En cet après-midi du 13 janvier dernier (tiens, voilà encore un 13), lors de mon escapade avec mon amie Odile à Crépy-en-Valois (60), voilà que l'on s'arrête devant un grand porche en bois. « C'est là Monique, que je veux t'emmener. Je vais te présenter mon oncle, cet artiste dont je t'ai déjà parlé plusieurs fois » me dit-elle.
De l'extérieur, une belle bâtisse avec une niche contenant une sculpture. Je saurai par la suite que cette maison a été rénovée par les mains même du Maître des lieux.
Je dis « Maître » avec un grand « M » car, j'ai rencontré là, quelqu'un d'extrêmement passionné par le travail du bois. Mon étonnement n'a été que grandissant face à ce sculpteur ébéniste qu'est le Renommé (car il est connu du Tout Crépy pour y être né) Lucien MORLET.
C'est avec un réel plaisir qu'il se fait photographier devant quelques-unes de ses œuvres. Il a maintenant 87 ans.
Tout petit déjà, il sculptait dans le bois avec son canif, m'a-t-il confié. Il fut employé très jeune comme apprenti dès l'âge de 14 ans puis devint contremaître ouvrier ébéniste. C'est en 1949 qu'il obtint le titre et le diplôme de Meilleur Ouvrier de France. Voilà son chef d'œuvre en photo : une horloge.
En 1980, il se met à son compte en se lançant dans la restauration de meubles anciens. De nombreux notables de la ville et des environs lui demanderont ses services pour du mobilier de style en marqueterie tellement il était connu pour sa minutie.
Depuis sa retraite, il n'a pas arrêté sa passion. Tous les jours, il fait un tour dans son atelier et crée de nouvelles pièces. Le voilà dans son atelier devant d'innombrables coupures de journaux qui lui servent de modèles.
Il me montre fièrement un joli médaillon de la Marquise de Sévigné. Il a tout simplement recopié sur les emballages en aluminium des fameuses pièces en chocolat que l'on achète parfois au moment de Pâques. Ceux et celles de mon âge et plus, doivent savoir de quoi je veux parler.
L'artiste travaille différents bois : le merisier, le chêne, le noyer, l'ébène, l'acajou et bien d'autres essences encore, ce qui permet de varier les couleurs de ses œuvres. Les animaux ont une place de choix, un cheval ainsi que cette famille d'éléphants, une commande datant de 1960, que la personne n'a pas pris la peine de venir chercher. Excusez-moi, mais j'ai raté la photo et je n'ai pas voulu recommencer et m'imposer comme une curieuse.
Je sais qu'il a aussi créé les armoiries de la ville et que celles-ci trônent dans la salle du Conseil. Il a d'ailleurs déjà exposé à l'Office du Tourisme de Crépy présentant notamment cette Vierge à l'Enfant (photo prise par Odile).
Des bouddhas, de nombreuses nues,
Moi, j'ai tilté pour le portrait de cet homme au turban. Un modèle pris sur une pipe.
Plus récemment, en voyant une expo à Compiègne, il a eu l'idée de fabriquer des œufs puis des boules. C'est très difficile à fabriquer surtout qu'il y applique plusieurs essences de bois différents. La boules est réalisée à partir d'un cube m'a-t-il expliqué.
Il en a des étagères complètes. Il a essayé de les vendre lors de brocantes, mais les gens trouvent que c'est trop cher : 10 euros environ. « Il faudrait que je leur donne » m'a-t-il dit. Pourtant c'est un long travail de patience et de minutie. Alors, je ne vous dis pas le nombre de sculptures qu'il entasse chez lui !
Il ne crée pas pour se faire des sous, mais juste par passion. Ses boules de bois, il les offre. J'ai été émerveillée par ce personnage hors du commun qui porte encore quotidiennement son bleu de travail et sa cigarette au bec. C'est le véritable artisan à l'ancienne comme on n'en voit plus beaucoup actuellement. Pas de spécialisation à l'époque ! C'était la polyvalence qui était de mise. Selon Lucien Morlet, le travail avait bien plus de valeur autrefois.
Dommage, personne pour prendre la relève et poursuivre son savoir-faire ! « Cela ne rapporte plus. On appuie sur des boutons maintenant pour faire fonctionner les machines » a-t-il soupiré.
Je vous laisse à cette réflexion, digne d'un sujet de baccalauréat.